Une grande gravure du début du XVIIIe siècle mettant en scène Mgr Joachim D’Estaing nous a été aimablement communiquée par les archives diocésaines de Rodez, et vient de bénéficier d’une restauration. Il s’agit d’un placard de thèse imprimé en 1725. Le placard de thèse est une affiche de grande dimension (80 cm sur 110 cm), énonçant dans un frontispice ornemental gravé, les positions que les candidats devaient défendre publiquement en vue d’obtenir leur thèse de philosophie ou de théologie. Cette tradition propre aux institutions religieuses n’était pas pratiquée par les autorités civiles. Elle apparaît à la fin du XVIe siècle, et vers 1660, le principe de la dédicace à un mécène s’impose, celui-ci étant souvent un évêque. Le placard de thèse est généralement divisé en deux : dans la partie supérieure apparaissent une scène religieuse ou une allégorie, des éléments d’architecture, des portraits et des armoiries ; dans la partie inférieure est imprimé le texte des questions qui seront disputées par les candidats, entouré d’un décor et surmontant les armoiries du mécène.
Pour réaliser ces affiches, des artistes spécialisés gravaient une grande eau-forte (gravure sur cuivre) qui ménageait des espaces vides. Un espace ovale était laissé en blanc pour y ajouter le portrait gravé de l’évêque concerné. Un autre espace était ménagé pour que l’imprimeur local, en l’occurrence ici, Léonard Sardine à Saint-Flour, puisse imprimer le texte comprenant le nom du candidat (ou des candidats), les questions disputées, le jour de la soutenance ainsi que les armoiries de l’évêque. Ces affiches étaient distribuées dans la ville avant la soutenance, et collées sur les portes du collège jésuite.
Ce placard de thèse de philosophie, qui concerne Jean-Baptiste Spy d’Auzolles, sanflorain, et Jean-Baptiste Tournier, muratais, a été imprimé par Jean-François Cars, éditeur et marchand d’estampes à Paris. À partir de 1720, il se spécialise dans les placards de thèse à destination des collèges jésuites. La partie supérieure est constituée d’un décor de colonnes cannelées mettant en scène cinq femmes, trois d’entre elles figurant les vertus théologales : l’Espérance (tenant une ancre), la Foi (accoudée à une colonne et enserrant un petit temple ou un tabernacle) et la Charité (nourrissant plusieurs enfants). La première femme à gauche tend un cœur enflammé, attribut de saint Ignace de Loyola et de saint François de Sales, et la quatrième allégorie soutient le portrait de Mgr Destaing.
Joachim-Joseph d’Estaing naquit en 1654. Sa famille, d’origine aveyronnaise, possédait le château du Sailhant près de Saint-Flour. Il est nommé évêque de Saint-Flour le 8 septembre 1693 et fut sacré le 3 janvier 1694. Son long épiscopat (49 ans) fut surtout marqué par une terrible épidémie de peste en 1709. Il meurt le 13 avril 1742 à Saint-Flour. Comme beaucoup d’évêques d’Ancien Régime, la résidence en son diocèse n’était pas sa préoccupation principale et Mgr D’Estaing passait une bonne partie de son temps à Paris.
Quant au portrait gravé qui fut ajouté sur le placard de thèse, il fut très probablement réalisé à partir du tableau peint en 1696 par le célèbre portraitiste Hyacinthe Rigaud, et retrouvé en 2022 par Stéphan Perreau. On peut penser que celui qui est conservé dans la galerie des évêques de la salle capitulaire a aussi été réalisé d’après ce modèle gravé par Guilbault pour l’imprimeur François des Cars.
Bibliographie : Stéphan Perreau, « Rigaud et ces messieurs de l’Église », 2022, Hyacinthe Rigaud, le blog.
Gwendoline de Mûelenaere, « Cadre(s) gravé(s). Les affiches de thèse dans le décor éphémère de la soutenance académique », article en ligne.
Pierre Chassang, Les évêques de Saint-Flour dans leur diocèse sous l’Ancien Régime, 2001.
Pascale Moulier
Archiviste diocésain
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