Dans la monographie paroissiale de Saint-Jacques-des-Blats, le rédacteur, l’abbé Frédéric Garden, relate en 1912 un intéressant fait divers conservé dans la mémoire collective. Il existait dans le village de Rueyre, (situé sur la D317 qui relie Saint-Jacques à Mandailles), une petite chapelle dédiée à la Sainte-Trinité et dont il ne restait rien au début du XXe siècle. Cette chapelle était desservie par deux prêtres communalistes de Thiézac qui habitaient à Rueyre, les abbés Manhès et Savary. Les prêtres dits communalistes vivaient dans leur famille, n’étant pas dotés d’une cure. Ils se regroupaient en communauté et s’occupaient principalement de dire les messes pour les défunts. Voici ce que rapporte l’abbé Garden à propos de l’abbé Antoine Savary : « On raconte que ce dernier, venant un jour d’hiver de dire la messe à Notre-Dame de Consolation (à Thiézac), passa par Lajarrige où il alla saluer un autre confrère, l’abbé Gaillard. Au sortir du hameau il aperçoit un énorme loup qui fait mine de vouloir se jeter sur lui. L’abbé Savary, grand et fort, entre en lutte avec le fauve, lui recouvre la tête de sa soutane et l’étouffe ». Cette histoire rappelle à quel point les loups étaient présents dans les campagnes et menaçaient la sécurité des voyageurs qui se déplaçaient à pied. Quant à l’abbé Antoine Savary, on sait par les archives qu’il devient membre de la communauté de prêtres de Thiézac en 1760 à la suite de la démission de son oncle, lui-même prêtre communaliste. Il bénéficie d’une rente en 1772, fait son testament en 1774 et meurt le 25 juin 1777 à l’âge de 73 ans.
Il faut rappeler que Saint-Jacques-des-Blats n’était pas une paroisse avant la Révolution, mais une simple succursale, Thiézac étant le siège de la paroisse. Le cadastre de 1808 nous montre un petit édifice rectangulaire modeste, dont la nef était si basse que le prédicateur touchait le plafond en chaire. La chapelle était couverte en « énormes tuiles », probablement des lauzes, et contenait deux statues, de sainte Agnès et de saint Jacques. Elles sont toujours conservées dans l’église qui a remplacé la chapelle en 1867.
Pascale Moulier
Archiviste diocésain
archives@diocese15.fr
Sources : monographie paroissiale, 1912, archives diocésaines, et archives départementales 104 J 169.
Sur le rôle du loup dans les campagnes, voir l’ouvrage de référence de Jean-Marc Moriceau, L’homme contre le loup, une guerre de deux mille ans, Fayard, 2011.
Le village de Saint-Jacques des Blats en 1811 avec sa petite église.
Ci-dessous, le hameau de Rueyre où vivait l’abbé Antoine Savary dans sa famille.