Valjouze est la plus petite commune du Cantal mais était néanmoins une petite paroisse, placée sous le patronage de saint Antoine de Padoue. Sa modeste église, à nef unique, est équipée d’un clocher à peigne à simple ouïe, dans laquelle prend place une cloche datant de 1776. En 1978, le conservateur André Muzac avait photographié à Valjouze un pupitre liturgique original, car décoré de motifs d’art populaire et d’inscriptions. Nous avons eu la curiosité de vérifier si cette pièce de musée existait encore et avons eu la joie de découvrir qu’elle avait été pieusement conservée au fond d’un placard.
Le pupitre est utilisé dans la liturgie pour recevoir le missel à l’autel. Celui-ci possède des motifs décoratifs récurrents dans le décor paysan : roues et rosaces qui ornent la partie inférieure. La partie supérieure, taillée au couteau, est ornée de deux croix quadrillées, d’un oiseau stylisé, des noms gravés de Jésus (IESUS) et Marie (MARIA), du nom, probable, de l’exécuteur de l’objet : Pierre Chancel (CIANCEL), ainsi que de la date : 1749.
Une petite recherche dans les registres de catholicité, peu fournis dans cette toute petite paroisse, nous a permis de retrouver un certain Pierre Chancel, décédé en 1764 « à l’âge de 63 ans environ ». Né vers 1700 à Valjouze, il épouse Anne Surrel de Joursac en 1728 et aura plusieurs enfants avec elle.
Pierre Chancel apparaît également à plusieurs reprises dans des actes de décès, entre 1744 et 1751, où il accompagne le convoi mortuaire avec le curé, ce qui pourrait indiquer qu’il faisait office de sacristain. À quelle occasion a-t-il réalisé ce pupitre ? C’est un acte notarié qui nous fournit l’explication de cette petite énigme, une quittance passée pour une dépense de 125 livres, payées en 1725 par le sieur Pierre Ferrand, du Pont du Vernet, à Pierre Chancel, maître-charpentier de Valjouze. C’est donc un artisan du bois qui fabrique et offre un pupitre à son église en 1749.
Une autre mention, relevée dans les registres de catholicité de Valjouze en 1704, éclaire la situation de cette petite paroisse. Il s’agit de la donation par le supérieur du grand séminaire de Saint-Flour, Claude Mourguet, d’un calice et d’une patène, « le tout d’argent doré au-dedans », d’une chasuble de soie rouge « en fleur », de corporaux avec voile de soie, en échange de « prier Dieu pour luy », ce à quoi le curé Ganilh s’engage pour lui, ses successeurs et ses paroissiens.
On comprend que cette paroisse n’était pas bien riche, et que la confection d’un pupitre par le maître-charpentier du village, de facture très fruste, était néanmoins la bienvenue. Celui-ci, bien qu’illettré comme les actes de baptêmes de ses enfants le montrent, grave maladroitement son nom et la date de la réalisation.
Pascale Moulier
Archiviste diocésain
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